Joseph Kabila devant le Congrès au Palais du Peuple
Cohabitation, ouverture ou union nationale ?
Attendu avec beaucoup d'attention le jeudi de la semaine dernière, le message du chef de l'Etat au peuple congolais a été annoncé,par spéculation, par l'opinionpour le mardi 15 octobre dernier. Puis rien. Non sans raison. « A brève échéance, je convoquerait les deux chambres du parlement en Congrès », avait promis le Président Joseph Kabila dans son discours de la clôture des Concertations nationales, le 05 octobre dernier.
Les Congolais anticipent en fixant, à partir d'on ne sait quelle source, les dates du discours tant attendu. Et pourtant, le Président de la République n'a pas encore signé l'ordonnance convoquant le Congrès.
Devant les deux Chambres du Parlement réunies en Congrès au Palais du Peuple de Kinshasa, Joseph Kabila Kabange annoncera des mesures importantes par rapport aux recommandations et conclusions des concertations nationales telles qu'il a promises dans son discours de clôture de ces assises le samedi 05 octobre 2013, en présence des membres du Conseil de sécurité des Nations Unies en tournée en RD Congo, en Ouganda et au Rwanda, respectant la même trajectoire. « A cette occasion, des mesures importantes seront annoncées pour répondre aux préoccupations légitimes des délégués, et par-delà, à celles du peuple », avait-il souligné.
Outre les députés nationaux et sénateurs, la salle des Congrès du Palais du Peuple sera, certes, prise d'assaut par les concertateurs qui continuent à prolonger leur séjour dans la capitale congolaise (obtenir les billets de retour serait un parcours des combattants), et les partis politiques et autres forces vives de la Nation (associations à obédiences diverses, etc.).
Que dira le Magistrat suprême ?
C'est encore le suspens avant son adresse ! Toutefois et sans anticiper, à la lecture de son discours de clôture des travaux des Concertations nationales, beaucoup de passages ont arraché les applaudissements. Mais l'un d'entre eux a créé le suspense et tient les Congolais en haleine et alimente les conversations à sens divers à Kinshasa et en provinces.
« D'une part, vous tenez au respect du cadre institutionnel qui régit notre pays. D'autre part, vous estimez qu'il ne faut pas sacrifier les impératifs de la pacification et du développement accéléré du pays sur l'autel d'une orthodoxie démocratique qui voudrait que la majorité tienne la minorité éloignée de la gestion de la chose publique », a relevé Joseph Kabila.
Il s'en dégage que la configuration du gouvernement central ne sera plus la même que celle d'aujourd'hui dans une échéance relativement courte. La déclaration de Léon KengowaDondo, Président du Sénat et co-président des Concertations nationales quelques jours avant la tenue de ce forum national – qui avait soulevé un tollé de réactions – sera concrétisée. Si pas le jour de l'adresse de Joseph Kabila devant le Congrès, après quelque temps.
Considérant le fait que c'est le chef de l'Etat qui sera lui-même devant sa propre conscience, dans pareille circonstance, le cœur du gouvernement Matata (son animateur compris) ne peut que battre la chamade. Les chasseurs des postes ministériels qu'on peut retrouver dans tous les courants de la vie nationale ne font que croiser les doigts et implorer leurs dieux ou ancêtres en vue d'attirer les chances de leur côté. Vœu non affiché : devenir ministre et se servir à volonté au détriment du peuple.
Par rapport à cette attente, quelle stratégie adoptera Joseph Kabila dans son discours-réaction ? Ira-t-il par une formule prudente ou déclara-t-il à brûle-pourpoint démissionnaire le gouvernement actuel au nom de la cohérence nationale et des recommandations et conclusions émises par les délégués aux Concertations nationales ?
Cohabitation ?
Pour une certaine opinion, la cohésion nationale visée par les Concertations nationales (article 2 de l'Ordonnance les convoquant) passe par la nomination d'un Premier ministre issu de l'Opposition. Ce schéma s'appellerait tout simplement « cohabitation » où le Président de la République partage le pouvoir avec un opposant, mais majoritaire au Parlement.
Cela est-il envisageable pour la situation de notre pays ? Si Joseph Kabila osait emprunter cette voie, l'article 78 de la Constitution du 18 février 2006 lui serait sans pardon : « Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui de la démission du Gouvernement. Si une telle majorité n'existe pas, le Président de la République confie une mission d'information à une personnalité en vue d'identifier une coalition ».
Sinon, en quoi auront servi les élections législations du 28 novembre 2011 dont les résultats ont dégagé une nette coalition parlementaire au sein de laquelle est provenu le Premier ministre Augustin MatataPonyo ?
Certainement, la formule 1 + 4 issue du Dialogue intercongolais de Sun City expérimentée nulle part au monde, était une sorte de cohabitation à 5. Mais elle avait pour objectif, pour un pays divisé en plusieurs territoires par la guerre, de réunifier le territoire national, une étape longtemps attendue par le peuple congolais. Ainsi étaient nommés ministres ou dirigeants d'entreprises les membres des composantes et entités du DIC de la République Sud-Africaine (gouvernement, RDC/Goma, MLC, RCD/K-ML, RCD/N, Maï-Maï, etc.).
Dieu merci. Les élections de 2006 avaient été organisées et la RD Congo s'était dotée des Institutions issues des urnes.
En fouillant dans le passé, la France, l'un des pays modèles de la démocratie, avait une fois expérimenté la cohabitation, en 1987, entre le Président François Mitterrand au pouvoir et Jacques Chirac de la droite qui venait de remporter les législatives anticipées.
Le Président de l'ex-Zaïre, Mobutu Sese Seko, s'était même interrogé sur cette recette en demandant aux Zaïrois,au cours d'un meeting populaire à Kinshasa, d'aller poser la question aux Français sur ce qu'est la cohabitation. Le Maréchal ne pouvait qu'en être stupéfait. Rodé en politique, l'homme à la toque du léopard voyait mal comment deux leaders aux visions de gestion et projets de société divergents allaient gérer le pays ensemble sans se télescoper à longueur des journées.
Et l'avenir lui avait donné raison car cette cohabitation française n'était pas arrivée à terme. Elle avait volé en éclats. Le maire de Paris avait claqué la porte de Matignon en démissionnant de ses fonctions de Premier ministre à mi-chemin pour préparer la présidentielle qu'il perdra du reste face à Mitterrand qui briguait son second et dernier mandat présidentiel.
Ouverture, élargissement ou union nationale ?
Puisqu'il est un fait que la modification de la configuration du gouvernement de la République hante les esprits des Congolais, la voie la plus plausible serait l'ouverture que le Président Joseph Kabila avait annoncée dans son discours d'investiture de son second quinquennat, le 20 janvier 2012, et sur laquelle il est revenu le 05 octobre 2013 à l'occasion de la clôture des Concertations nationales.
Et cette ouverture politique, le chef de l'Etat l'avait déjà amorcée lors de la formation du gouvernement Matata qui a réservé quelque deux ministères, celui de l'Economie nationale et du Commerce extérieur, et de l'Industrie, Petites et Moyennes Entreprises à deux membres de l'Opposition (ARD) en la personne respectivement de Jean-Paul Nemoyato et Rémy Musungay.
Afin d'appliquer les recommandations des Concertations nationales, Joseph Kabila souhaiterait peut-être (c'est insondable) aller au-delà même de 30%, du quota de deuxPostes que détient encore l'Opposition dans l'équipe d'Augustin MatataPonyo.
Dans un tel cas de figure, le chambardement serait total pour laisser entrer les chasseurs des postes ministériels de la Majorité et de l'Opposition. Et seuls les plus performants et les hommes et femmes de confiance du Président de la République de l'actuelle Exécutif national seraient reconduits.
Et si, en revanche, le chef de l'Etat optait pour un gouvernement d'élargissement, d'union nationale ou de large union nationale (c'est selon…) ? Cela signifierait que Joseph Kabila Kabange tiendrait compte de trois principales composantes des Concertations nationales dans la formation du futur gouvernement (article 5, alinéa 3). Il s'agit de la Majorité présidentielle, de l'Opposition politique et de la Société civile.
Pour cette éventualité, la mission du formateur sera ardue pour constituer son équipe gouvernementale face à des descensions en perspective, surtout dans les camps d'une Opposition et d'une Société civile plurielles. Ce serait une sorte de partage de pouvoirs équitable et équilibré à l'image de la fameuse Transition 1+4.
Or, nous ne sommes plus dans la Transition politique de 1+4 (2004 – 2006) pour que la Société civile fasse partie des institutions de la République. Dans un Etat démocratique, cette composante doit plutôt jouer le rôle de contre-pouvoir.
La porte serait ainsi ouverte aux personnalités politiques dites indépendantes au sein ou en dehors du Parlement. Mais ces personnalités-là ont toujours les cœurs dans la Majorité ou dans l'Opposition.
D'aucuns se demanderaient alors si l'objet des Concertations nationales serait atteint sans la participation des membres de « l'Opposition radicale » » dans ce gouvernement d'élargissement, d'union nationale ou de large union nationale. D'autant plus que le leader de l'UDPS, Etienne Tshisekedi, se déclarant vainqueur de l'élection présidentielle de 2011, tient mordicus à la vérité des urnes. Et que, pour sa part, Vital Kamerhe,classé 3ème et son Union pour la Nation Congolaise (UNC) et alliés réclament le vrai dialogue national à travers leur structure CVD (Convention pour le Vrai Dialogue, ndlr). Les deux ne sont pas des hommes politiques quelconques et n'ont pas participé aux Concertations nationales.
En effet, conformément à l'article 2 de l'Ordonnance portant création organisation et fonctionnement des Concertations nationales, l'objet de ce forum national était la consolidation de la cohésion nationale, le renforcement et l'élargissement de l'autorité de l'Etat sur tout le territoire national en vue de mettre fin aux cycles de violences à l'Est du pays, de conjurer toute tentative de déstabilisation des institutions et d'accélérer le développement du pays dans la paix et la concorde.
Matata aux prises avec la politique
Quiconque peut s'en rendre bien compte. Le sort, en premier lieu, du premier Premier ministre de la Deuxième Législature de la Troisième République sera connu à l'occasion du discours de Kabila devant les députés nationaux et sénateurs réunis en Congrès.
Augustin Matata PonyoMapon l'aura-t-il démérité ? En prêtant oreille attentive aux uns et aux autres, il se dégage de l'avis général que les Congolais ne sont pas chauds au départ du chef du gouvernement actuellement en fonction si ce n'est la retouche de certains ministres dont la prestation n'aurait pas répondu aux attentes de la population.
Pendant ce temps, le danger d'un remaniement ne semble pas préoccuper le Premier ministre. Pour preuve, il a été aux USA à la tête d'une forte délégation gouvernementale prendre part aux Assemblées annuelles des institutions de Brettons Woods et nouer plusieurs autres contacts dans le monde économique notamment.
Mais les raisons politiques peuvent en décider autrement et les candidats « primaturables » sont certainement nombreux même parmi ses propres alliés de la MP prêts avec leurs CV et lettres de motivation vantant de propulser les Congolais au paradis terrestre.
Mutatis mutandis dans les provinces !
Si seulement si l'adresse du chef de l'Etat devant les dépnationaux et sénateurs réunis en Congrès s'orientait dans le sens de la constitution d'un nouveau gouvernement national, les gouvernements provinciaux seraient-ils épargnés ou facultatifs ?
L'opinion pense que la cohésion nationale, l'unité nationale et l'effort pour mettre fin aux violences à l'Est du pays devraient être également l'affaire de la base pour ne pas dire des gouvernements provinciaux archidominés par la Majorité présidentielle.
A quelques exceptions près, les chefs des Exécutifs de la Ville Province de Kinshasa, des Provinces du Katanga, du Sud-Kivu, du Nord-Kivu, du Maniema, du Bandundu et du Kasaï Oriental devraient logiquement insérer dans leurs équipes respectives les ministres provenant de l'Opposition pour ne pas être en déphasage avec le gouvernement dont ils appliquent la politique dans leurs entités respectives.
Ces recommandations qui attendent aussi des réponses
La formation du gouvernement, c'est bien sûr le sujet qui alimente les ragots aussi bien à Kinshasa qu'en provinces.
Cependant, les Congolaises et Congolais attendent aussi les réponses à plusieurs autres recommandations formulées par les concertateurs et révélées par le premier rapporteur du Secrétariat technique des Concertations nationales lors de la lecture de rapport final.
Il s'agit notamment : du recensement et de l'identification des citoyens avant les prochaines élections ; du respect strict de la Constitution ; de l'affectation des militaires hors de leurs provinces d'origine ; de la lutte contre l'enrichissement illicite des membres du gouvernement ;
de l'éradication des groupes armés nationaux et étrangers ;
de la promotion de la culture de la paix et de la bonne gouvernance ; de la libération des prisonniers politiques ;
du suivi du dossier du sénateur et ancien vice-président Jean-Pierre Bemba Gombo à la Cour Pénale Internationale (CPI)
A les considérer seulement dans leurs formulations, toutes ces recommandations ne sont pas faciles à manœuvrer pour y fédérer toutes les couches sociopolitiques de la Nation. Face au caractère sensible de certaines d'entre elles, le chef de l'Etat, au lieu d'y aller à la quatrième vitesse, jouerait prudemment et à l'équilibriste.
Quelle que soit l'attitude avec laquelle il abordera ces questions, l'article 14 alinéa 2 de l'Ordonnance n°13/073 du 26 juin 2013 portant création, organisation et fonctionnement des Concertations nationales est claire comme l'eau de source : « Le suivi de l'application de leurs conclusions et recommandations est confié au Président de la République, aux Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et au Gouvernement de la République ».
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