En limogeant en bloc tout son gouvernement jeudi soir, la présidente du Malawi Joyce Banda a à nouveau marqué sa différence en répondant aux attentes de ses compatriotes et des donateurs étrangers excédés par une énième affaire de détournement d'argent éclaboussant ses ministres.
Il a fallu moins de 24 heures après le coup de semonce de l'Union européenne pour que Mme Banda réagisse et renvoie séance tenante toute son équipe dont Ken Lipenga, ministre des Finances depuis 2011 dont elle n'avait pas osé se séparer à son arrivée au pouvoir en avril 2012.
Prenant le risque de se rendre impopulaire dans son parti à moins d'un an des élections générales de mai 2014, Mme Banda a fait le choix d'envoyer "un message fort, non seulement aux fonctionnaires nationaux mais aux autres leaders de la région", observe Thomas Wheeler, politologue à l'institut sud-africain des Affaires internationales (SAIIA).
D'autant plus que certains ex-ministres pourraient maintenant être incriminés dans l'enquête.
"Peu de dirigeants de la région ont le courage de faire ça alors que la corruption est un vaste problème. Et je pense que les gens affectés par la corruption seront contents", ajoute M. Wheeler.
"Une telle décision est certainement sans précédent pour un dirigeant africain et pour une dirigeante d'Afrique australe", a renchéri son collègue Aditi Lalbahadur (SAIIA). "Elle se profile vraiment comme quelqu'un de sérieux, se dressant pour le droit et le bien du Malawi".
Mme Banda avait déjà emporté la conviction des bailleurs occidentaux avec des mesures d'austérité que refusait son prédécesseur Bingu wa Mutharika, brutalement décédé l'an dernier: dévaluation de 49% du kwacha, ou encore, suppression des subventions au carburant.
Elle s'est aussi distinguée en 2012 en renonçant à accueillir un sommet de l'Union africaine (UA) pour ne pas avoir à inviter le président soudanais Omar el-Béchir, recherché par la Cour pénale internationale (CPI).
"C'est un premier pas pour restaurer la confiance publique à l'approche des élections de l'an prochain", s'est félicité Billy Mayaya, à la tête d'une association de consommateurs qui avait manifesté jeudi dans la capitale administrative Lilongwe pour demander la tête du ministre des Finances.
Maintenant, "les Malawites veulent la vérité" et si l'enquête reste sans suite, "ce sera compliqué pour la présidente l'an prochain, les électeurs se sentiront trahis", a-t-il ajouté.
Le Malawi, pays d'Afrique australe chouchou de la star américaine Madonna qui y a adopté deux enfants, souffre de longue date d'un problème de corruption.
La justice locale estime qu'environ un tiers du budget national est gaspillé en raison de fraudes diverses et variées.
Mais l'arrestation en chaîne depuis fin septembre de dix fonctionnaires accusés de malversations, dont le chef comptable des services de la présidence, a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Parmi les fonctionnaires arrêtés et remis en liberté sous caution en attente de comparution le mois prochain, l'un est soupçonné d'avoir siphonné un milliard de kwachas (2 millions d'euros).
Du jamais vu même sous la présidence de Baikili Muluzi (1994-2004) restée dans les annales nationales comme des années de corruption.
"L'Union européenne paiera les 29 millions d'euros promis en soutien au budget en fonction de la façon dont le gouvernement gère la crise", avait menacé jeudi matin le chef de la mission européenne au Malawi Alexander Baum.
"Ce pillage massif a eu lieu sous le nez du service de comptabilité générale sans que les malversations soient décelées ni découvertes", a-t-il ajouté, exigeant un audit extérieur.
La présidente a "agi sur la base des investigations visant des services ministériels. Certains ministres pourraient être impliqués, et c'est un moyen que tout le monde soit disponible pour l'enquête quelle que soit sa fonction", a indiqué le porte-parole de la présidence Tusekele Mwanyongo.
AFP
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