Messieurs et mesdames de la presse,
En tant que Procureur de la Cour pénale internationale, c'est un grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette conférence de presse. Je ne voulais pas clore ma visite technique en Côte d'Ivoire sans faire le point avec vous sur les activités et rencontres entreprises dans le cadre de mon programme officiel depuis mon arrivée à Abidjan ce jeudi.
Tout d'abord, au nom de ma délégation et en mon nom propre, je tiens à exprimer ma reconnaissance aux Ivoiriennes et Ivoiriens pour l'accueil chaleureux qui nous a été réservé. Je tiens à souligner aussi la coopération du gouvernement ivoirien et en particulier son soutien indispensable à l'encadrement logistique et sécuritaire de cette visite.
Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de mon programme de ces deux jours. Je me suis entretenue avec les autorités ivoiriennes, notamment le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, le Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité, le Ministre chargé de la Défense, et la Ministre de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'enfant ainsi qu'avec des hauts-fonctionnaires de leurs ministères respectifs. Ces réunions de travail furent dans tous les cas des échanges fructueux et constructifs.
Je les ai remerciés pour l'excellente coopération qu'elles ont accordée à la Cour jusque là, et j'en ai profité pour rappeler aux autorités ivoiriennes leur obligation d'exécuter dans les plus brefs délais possibles nos demandes de coopération. Cette obligation bien sûr inclut les mandats d'arrêt et demandes de remise à la Cour émis par les juges de la CPI dans le cadre de nos enquêtes et poursuites. Cela vaut donc pour le mandat existant contre Madame Simone Gbagbo ainsi que pour tout autre suspect dans l'avenir. Les autorités ivoiriennes ont réitéré leur volonté d'assurer le suivi diligent de nos demandes.
J'ai également saisi l'opportunité de rencontrer la nouvelle Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies, chef de l'ONUCI, Madame Aïchatou Mindaoudou Souleymane, et mes collaborateurs ont eu des échanges avec la communauté diplomatique, afin de faire le point sur les derniers développements et sur les activités de mon Bureau.
Ce matin, je me suis entretenue avec plusieurs associations de droits de l'homme et des associations représentant des victimes. Je regrette de ne pouvoir rencontrer toutes les victimes à travers le pays, ni écouter les histoires de tous ceux affectés par la violence. J'aimerais que ce soit possible. En ouvrant des enquêtes et en engageant des poursuites en Côte d'Ivoire, nous espérons que les responsables politiques quels qu'ils soient et tous les citoyens de la Côte d'Ivoire et d'au delà réaliserons qu'il n'est plus possible de recourir à la violence ni de commettre des crimes pour accéder au pouvoir et pour s'y maintenir. Nul ne peut désormais échapper à la justice pour ces crimes-là. Je fais ceci pour les victimes, pour leur donner une voix, pour répondre à leur souffrance. A toutes les victimes ivoiriennes je voudrais dire ceci: je déplore les souffrances que vous avez subies et je salue la dignité et le courage avec lesquels vous y faites face. La seule raison d'être des activités de la CPI en Côte d'Ivoire, ce sont les victimes et la justice qu'elles méritent.
Je suis également consciente du désir du peuple ivoirien de voir justice pour les crimes – tous les crimes - commis lors des élections présidentielles de 2010 et même avant, depuis 2002. Les enquêtes menées par le Bureau du Procureur, notamment sur les personnes portant la responsabilité la plus lourde dans les crimes présumés commis par tous les camps se poursuivent en toute objectivité, impartialité, indépendance et dans le strict respect de la loi.
Compte tenu de la nature complémentaire de l'action de la CPI, le Bureau encourage et soutient les procédures nationales destinées à juger tous les auteurs des crimes commis : ces procédures devraient concerner les auteurs de crimes de tous bords, quelles que soient leurs affiliations politiques. La CPI fera sa part, et il appartient aux autorités judiciaires ivoiriennes de rendre justice pour les autres.
Je comprends la frustration de certains devant le rythme de la justice internationale, qui parait lent. C'est une réalité qu'il faut accepter - enquêter indépendamment prend du temps, la justice impartiale prend du temps. Il faut laisser la justice faire son travail et prendre le temps voulu pour le faire bien.
Dès que les juges de la CPI décideront sur la base de la loi et des preuves présentées par mon Bureau de demander l'arrestation et la remise à la Cour d'un autre suspect – peu importe son nom, son rang, son parti politique, ou n'importe quelle autre considération – le gouvernement ivoirien devra respecter ses obligations et remettre cette personne a la cour pour qu'elle réponde de ces accusations devant la justice.
Finalement, et au risque de me répéter, je voudrais réitérer un point cardinal: nous sommes une institution judiciaire, guidée uniquement par les preuves et par la loi. Nous ne cherchons pas à établir la responsabilité politique, nous cherchons seulement à établir la responsabilité criminelle d'individus pour les crimes les plus graves. Nous enquêtons et poursuivons selon les preuves que nous récoltons, de façon impartiale et indépendante. Ma visite à Abidjan faisait partie de ce travail.
Ensemble avec des Ivoiriens nous poursuivrons la justice au nom de toutes les victimes. Nous poursuivrons notre travail, conformément à la loi. Nous lutterons pour mettre fin à l'impunité et pour que la justice suive son cours.
Merci. A vous la parole.
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