« Concertations nationales » :
L'impossible cohésion nationale
1. Le Chef de l'Etat a commis une grave erreur en limitant cette « messe politique » aux caciques de sa mouvance ainsi qu'à quelques opposants de son obédience.
2. Les concertations nationales risquent de se solder par un retentissant échec tout simplement parce que le régime a échoué à générer l'espoir chez les Congolais mais aussi pour avoir contribué au retour de l'arbitraire, du tribalisme et du régionalisme.
Après douze années d'exercice chaotique du pouvoir d'Etat, «Joseph Kabila» se retrouve dans une situation quasi-identique à celle que vivait le président Mobutu Sese Seko après… vingt-cinq années de présence à la tête de l'Etat. Une situation caractérisée par l'usure du pouvoir et la rupture du consensus national. C'était en 1990.
«Sensibilisé» par certains «pays amis» – au lendemain de la chute du Mur de Berlin – et constatant que le consensus national n'était plus ce qu'il était, le «Grand Léopard» comprit qu'il était opportun d'engager un «dialogue direct» avec les citoyens et non pas uniquement avec les « professionnels de la politique ». Objectif : connaître les profondes aspirations de la masse. Le chef de l'Etat zaïrois comprit qu'on ne peut diriger efficacement un pays sans aller périodiquement à l'écoute des citoyens. C'était trop tard! Il lança les «Consultations nationales». Les citoyens ont été invités à « évaluer » le fonctionnement des institutions. Plus de six mille mémorandums ont été adressés au bureau de coordination dirigé par Edouard Mokolo wa Mpombo.
On le sait, ces consultations ont pris la tournure d'un réquisitoire à l'encontre du régime en place. Les mêmes griefs ont été articulés : concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul homme, arbitraire, violations des droits de l'Homme, culte de la personnalité, tribalisme, régionalisme, favoritisme, népotisme, corruption, mauvaise gouvernance etc.
Dans leur mémorandum, daté du 22 mars 1990, les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères ont conclu, dans le volet «suggestions», par ces mots autant audacieux qu'irrévérencieux dans le contexte de l'époque : «(…), démissionner de toutes vos fonctions. (…), vous vous épargnerez le sort qui a été réservé au président Ceaucescu de Roumanie». «Seul face à sa conscience», le président Mobutu va prononcer son allocution du 24 avril 1990 annonçant la fin du parti-Etat et la restauration du pluralisme politique.
La longue «transition démocratique» a été interrompue le 17 mai 1997 par les «libérateurs» de l'AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo). Le pouvoir rendant sourd et aveugle voire autiste, le président Laurent-Désiré Kabila s'est empressé de restaurer un régime autoritaire et sectaire. C'est-à-dire l'ordre ancien que les Zaïrois d'alors avaient rejeté bruyamment lors des travaux de la Conférence nationale souveraine. Erreur fatale. Son successeur et «fils» ne fera pas autre chose. Conséquence : c'est l'impasse!
Fin juin dernier, «Joseph Kabila» a convoqué les «concertations nationales» dont le but initial, selon lui, est de «renforcer la cohésion nationale». Suite à la crise qui secoue la partie orientale du Congo-Kinshasa en général et la province du Nord Kivu en particulier, le «raïs» s'est rendu compte de sa «solitude» autant que de la fragilisation du consensus national. Divers abus et les résultats des élections du 28 novembre 2011 en sont la cause.
« Joseph Kabila » a commis une grave erreur en limitant cette « messe politique » aux caciques de sa mouvance ainsi qu'à quelques opposants malléables. C'est-à-dire des hommes et des femmes qui sont plus ou moins contents de leur sort. Pour ceux-ci, tout va bien. Il n'y a pas de crise politique. Il n'y a que « l'insécurité qui règne au Nord Kivu ». Les «kabilistes» Jean Mbuyu Luyongola et Lambert Mende Omalanga semblent incarner cette ligne autiste.
Peut-on escompter la cohésion nationale en l'absence d'un assentiment général sur la conduite des affaires du pays par le régime en place? Le fait de vivre dans un même espace territorial – autrement dit, la proximité géographique – suffit-il à générer la cohésion au sein d'une communauté humaine ? La réponse est simple : Non ! La cohésion se nourrit de la justice sociale, de l'égalité et de la solidarité. Il va sans dire que la justice sociale, l'égalité et la solidarité constituent des préalables pour générer le sentiment d'appartenance à un groupe social. Bref, la cohésion.
Les concertations nationales à venir risquent de se solder par un retentissant échec. Tout simplement parce que «Joseph Kabila» a échoué en tant que chef de l'Etat. Il a échoué d'abord par son inaptitude à se mettre au-dessus de la mêlée en jouant le rôle d'«arbitre» tout en rassemblant les Congolais dans leurs diversités. Il a échoué ensuite parce qu'il s'est révélé incapable de montrer le chemin de l'espoir en garantissant la sécurité des personnes et des biens dans une société de progrès. Les Congolais, aux quatre coins du pays, vivent, au quotidien, dans la peur du présent et de l'avenir. Il a échoué enfin pour avoir contribué au retour en force de l'arbitraire, du tribalisme et du régionalisme. Sans oublier la dérive dictatoriale.
« Joseph Kabila » a démontré qu'il ne peut pas changer. Changer équivaudrait pour lui à se faire hara-kiri en sapant les piliers de son système fondé sur l'autoritarisme et l'exclusion de certains segments de la société congolaise. Les concertations nationales n'auront, dès lors, qu'un seul but : permettre à un pouvoir aux abois de gagner du temps. Les rumeurs les plus folles circulent sur la volonté du locataire du Palais de la Nation à se succéder à lui-même en tripatouillant la Constitution.
C'est à bon droit que les constituants de 2006 avaient prévu l'article 64 de cette Charte nationale lequel stipule notamment : « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l'exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ».
La société congolaise est bloquée. Les gouvernés ne se reconnaissent pas en leurs gouvernants. Le consensus est rompu. Seule l'alternance pourrait recréer ce consensus. Et recréer la cohésion nationale. Une cohésion nationale qui paraît impossible à renforcer aussi longtemps que « Joseph Kabila » s'accrochera au pouvoir…
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