« Ce dossier est très, très délicat », confie une source de la présidence en République démocratique du Congo. Selon elle, mardi en début de soirée, les discussions « battaient leur plein » pour trancher sur une question : le président Joseph Kabila doit-il se rendre à Kampala pour rencontrer une délégation du Mouvement du 23-Mars (M23), que l'armée combat depuis mai dans la riche province du Nord-Kivu (est) ?
Le 20 novembre, les rebelles se sont emparés de Goma, la capitale provinciale. Réunie en sommet le 24 novembre à Kampala, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) a demandé au M23 de quitter la ville et de retourner sur ses positions initiales, adossées au Rwanda et à l'Ouganda. En contrepartie, le président Kabila devait « écouter, évaluer et satisfaire les revendications légitimes ».
Alors que le jour du dialogue n'est pas encore fixé, la source présidentielle annonce que le chef de l'Etat « n'est pas du voyage ». « Aucune disposition ne disait que le président Kabila devait être lui-même présent, renchérit un cadre de la présidence. On a voulu trop personnaliser, et à tort, cette affaire. C'est le gouvernement qui avait signé les accords du 23 mars 2009 », dont les rebelles revendiquent la pleine application.
Aussi, indique-t-on à la présidence, « l'opinion publique est assez divisée sur cette question. Déjà, elle n'avait pas beaucoup aimé qu'il se rende à Kampala » pour le sommet de la CIRGL, présidé par l'Ouganda, médiatrice de la crise dans l'est congolais. « On doit (…) éradiquer le M23, pas négocier avec lui ou le légitimer comme cela a été fait par la CIRGL », a par exemple martelé Omar Kavota, vice-président de la Société civile du Nord-Kivu.
Son animosité est d'autant plus forte qu'il considère l'Ouganda juge et partie. La Société civile du Nord-Kivu a en effet plusieurs fois dénoncé l'entrée en RDC de troupes ougandaises venues prêter main forte au M23. Des experts de l'ONU accusent aussi ce pays, et le Rwanda, de soutenir les rebelles – ce que réfutent Kampala et Kigali. Ils affirment par ailleurs que les deux voisins ont appuyé le M23 dans son offensive pour prendre Goma.
Jusque-là, Kinshasa écartait toute discussion avec le M23. Mais, en marge du sommet, le chef de l'Etat congolais a rencontré pour la première fois le président de la branche politique du M23, Jean-Marie Runiga. Ce dernier a revendiqué la pleine application des accords du 23 mars 2009, qui ont régi l'intégration dans l'armée du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), la rébellion dont sont issus la plupart des combattants du M23.
Le chef rebelle a ajouté d'autres doléances et exigé un dialogue « direct » avec Joseph Kabila. « Nous en restons aux spécifications de cette déclaration des chefs d'Etats : 1) écouter le M23, 2) les écouter sur base de ce qui a provoqué leur création, c'est-à-dire la prétendue non exécution des accords de 2009 », rétorquait fin novembre Lambert Mende, porte-parole du gouvernement.
Samedi, le M23 s'est retiré de Goma et, dès le lendemain, les rebelles s'impatientaient. « Il faut que Kabila se prononce sur un cessez-le-feu rapidement, et qu'il parle avec nous, a déclaré le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole militaire du groupe armé. Il ne parle pas, il ne communique pas ! On dirait que pour lui, comme on s'est retiré de Goma, c'est terminé, le dossier est clos. »
Pas clos, mais de plus en plus compliqué. Mercredi, la formation de la délégation congolaise virait toujours au casse-tête. On évoque le départ de quatre membres du Sénat et du Parlement, et du ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda. Mais rien de figé. « Actuellement, la classe politique et les forces vives, y compris l'opposition, ne veulent plus laisser l'initiative du dialogue au seul président », explique la source présidentielle.
L'opposition parlementaire a annoncé qu'elle ne se rendrait pas à Kampala, mais là encore, rien ne semble définitif. « On est encore en discussion avec les autorités », a assuré en début d'après-midi Samy Badibanga. Ce député préside le groupe parlementaire de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le principal parti d'opposition qui a rejeté en 2011 la réélection de Joseph Kabila.
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