Le journal « Le Phare » se trouve dans la ligne de mire à la fois de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), de la Police des Parquets et de l'Agence Nationale des Renseignements depuis la semaine dernière. Accusé d'atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat à la suite de l'article de Castro Fidèle Musangu et Ben Muboyayi Mulombo sur les bullétins de vote précochés en faveur de Joseph Kabila, le quotidien de l'avenue Lukusa fait face à une multitude d'interpellations dont la première est celle de la Police Judiciaire des Parquets.
Mais au vu des incidents enregistrés hier tant à Kinshasa que dans plusieurs provinces du pays, beaucoup commencent à se demander ce que l'on reproche exactement à notre journal. En effet, tous les éléments faisant partie des alertes lancées par Le Phare ont reçu confirmation sur le terrain.
Des bulletins de vote cochés avant les scrutins, au nom de certains candidats à la présidentielle et à la députation nationale, ont été trouvés tant sur certains agents de la CENI que sur des personnes extérieures à la Commission Electorale Nationale Indépendante, à Kinshasa comme en provinces. Des spécimens de ces documents frauduleux ont été saisis et transmis à qui de droit.
Des millions d'électeurs signalés en son temps comme des « omis » ont couru hier dans tous les sens, à la recherche de leurs bureaux de vote. Si certains ont pu être acceptés difficilement, à la toute dernière minute, dans certains centres de vote, des milliers d'autres n'ont pu participer au choix du futur président de la République et de futurs membres de l'Assemblée Nationale.
C'est sur le tard que la CENI a donné hier la précision selon laquelle « tout électeur non repris sur la liste ayant sa carte est autorisé à voter dans tout bureau de la circonscription de son choix ».
Des kits électoraux ont été soit déployés en grand retard, soit pas du tout dans de nombreuses circonscriptions électorales, surtout dans l'arrière-pays. Des millions de compatriotes ont ainsi perdu leur journée à attendre vainement des bulletins de vote qui ne venaient pas. Par conséquent, certains territoires de la République risquent de sortir avec zéro député.
Comme redouté plusieurs fois par Le Phare, l'insécurité s'est invitée aux opérations électorales. A Kinshasa comme en provinces, des éléments armés se sont rendus maîtres des kits électoraux, mettant hors course des milliers d'électeurs. Apparemment, le dispositif mis en place pour sécuriser le processus électoral n'a pas fonctionné comme prévu.
S'agissant des kits électoraux, les Congolais en ont vu de toutes les couleurs. Dans telle circonscription électorale, il était signalé un lot de bulletins où manquaient des cases réservées à certains candidats…Dans telle autre, il n'y avait que des bulletins destinés à la députation nationale ou uniquement ceux destinés à la présidentielle.
Certains analystes politiques, qui donnent aujourd'hui raison au Phare, pensent que la CENI, le Parquet et l'Agence Nationale des Renseignements au lieu de voir l'ombre d'une atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat dans le chef du Phare et de ses journalistes Castro et Ben Muboyayi Mulombo, auraient dû au contraire mettre à profit nos informations pour enquêter sérieusement, de manière à déceler les défauts du processus électoral et rectifier le tir quand il était encore temps. Une politique préventive des dérives électorales aurait pu éviter au pays des élections qui, au lieu de calmer les esprits et impulser une démocratie adulte, tendent au contraire à installer un climat post-électoral de tous les dangers. Face à toutes les irrégularités qui sont apparues en gros plan à des millions d'électeurs et d'observateurs étrangers, la difficulté majeure à laquelle va être à présent confrontée la CENI est celle de la crédibilité des résultats. Il appartient aux membres de cette institution d'interroger désormais leur conscience sur la manière dont ont été organisés les scrutins d'hier. Ils devraient également interroger l'opinion publique pour savoir s'ils ont réellement préparé le lit d'élections transparentes et apaisées en République Démocratique du Congo.
Quant au Phare, il continue d'espérer que tous ceux qui harcèlent ses journalistes vont comprendre qu'on ne peut étouffer indéfiniment la vérité. Nous ne voyons pas pourquoi l'Agence Nationale des renseignements continue de traquer nos journalistes alors que les faits révélés se sont avérés fondés. Malgré toutes ces menaces dirigées contre ses journalistes, Le Phare forme l'espoir de voir les mécontents du processus électoral mettre de l'eau dans leur vin et contribuer à la résolution pacifique des contentieux électoraux. Mais pour cela, il faudra que les juges sécurisent toutes les parties et ne se comportent pas comme des partisans ainsi que cela arrive chaque fois que les problèmes de ce genre sont soumis à leur examen.
Quant à la Ceni qui est au centre du fiasco électoral, il est important qu'elle se remette en question en tirant objectivement les leçons du scandale que le peuple congolais vient de vivre. C'est à ce prix qu'on peut espérer des améliorations dans l'organisation des élections législatives provinciales, urbaines, municipales et locales. En attendant, l'opinion publique congolaise reste avec l'impression que la Ceni a trahi la République en refusant de faire attention aux faiblesses reprochées en 2006 à la CEI (Commission Electorale Indépendante). C'est dommage qu'en lieu et place d'une fête électorale, les Congolais ont eu de nouveau droit à des scènes de violences doublées de casses et pertes en vies humaines, par la faute de ceux qui devraient organiser les choses proprement et correctement.
Kimp
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