L'absence de vote au Parlement
Bien sûr, la constitution n'impose pas que le président de la République consulte les parlementaires. Mais étant donné que les deux autres principaux pays de la coalition putative le font et qu'il y a un vrai débat sur la question, il semble très cavalier de ne pas vouloir consulter les parlementaires, d'autant plus que notre pays n'est pas menacé par le régime syrien.
Si on pourrait comprendre qu'en cas d'aggression, il faut que le Chef de l'Etat puisse réagir au plus vite, ici, nous sommes sur un autre contexte où la consultation semble nécessaire, comme l'a souligné Nicolas Dupont-Aignan avant même le vote britannique. Pire, François Hollande avait tenu le même discours en 2003 et en 2008. Du coup, les justifications des socialistes sont assez emberlificotées, Claude Bartolone évoquant les mensonges de 2003 de Londres et Washington pour soutenir que Paris, qui en est exonérée, peut alors ne pas voter !
Les contradictions sur le droit international
Lundi soir, Jean-Marc Ayrault a invoqué le non respect de la convention internationale sur les armes de destruction massive comme motif d'intervention contre le régime syrien. Outre le fait que l'épisode de 2003 laisse forcément des doutes sur les preuves qui sont évoquées, cette convention n'est en aucun cas un blanc-seing pour une intervention unilatérale des pays qui le souhaitent. Le respect du droit international impose justement de passer par un vote du Conseil de Sécurité des Nations Unies (comme cela avait été le cas pour l'Irak en 1990 ou la Libye en 2011). On ne peut pas invoquer le droit comme raison de l'intervention puis s'en exonérer pour les modalités de l'intervention !
L'oubli des leçons du passé
C'est ce qui est flagrant dans le discours de ceux qui défendent l'intervention, du Monde à BHL. Aucun d'entre eux ne semble prêter la moindre attention à ce qui s'est passé en douze années d'interventions occidentales. Jean-François Kahn a bien raison de se déclarer scandalisé par l'éditorial du Monde (que j'avais également condamné) qui appelait à une intervention sans faire la moindre référence à ce qui se passe en Irak ou en Libye.
C'est ce que défendait la reporter de guerre Anne Nivat dans l'émission de France 24 consacrée au sujet, et à laquelle j'ai participée. La situation déplorable en Libye, malgré le soutien des Nations Unies et de la ligue arabe et une opposition plus unie et modérée pousse forcément à plus de prudence pour une Syrie où aucune de ces conditions n'est vérifiée.
Le suivisme à l'égard des Etats-Unis
La quatrième faute de François Hollande, c'est son suivisme à l'égard des Etats-Unis, qui tranche avec la pratique diplomatique des dix dernières années. La France s'est opposée à l'intervention en Irak. Elle a été en première ligne en Libye et au Mali, mais il faut remonter à la malheureuse expédition afghane pour un tel suivisme.
Cela est d'autant plus préjudiciable qu'il s'agirait d'une intervention en dehors de tout cadre légal international. Et le changement de cap des Etats-Unis, en donnant dix jours à la chambre des représentants pour se prononcer, affaiblit doublement le chef de l'Etat français : cela lui met la pression pour demander un vote risqué et cela montre très clairement qu'il est à la remorque de Washington puisque le Premier Ministre a été contraint d'indiquer que la France n'interviendrait pas seule.
Réagir sans réfléchir
Au final, tout ceci donne le sentiment que la réaction du président de la République jeudi dernier (largement applaudie, y compris par Jean-François Copé, qui se déclarait alors d'accord « sur la forme et sur le fond ») a été trop rapide et pas assez réfléchie, comme s'il avait absolument voulu réagir vite sans réfléchir à ce qu'il avait dit auparavant ou aux enjeux géopolitiques de cet Orient décidément compliqué.
Cela est extrêmement inquiétant de la part d'une équipe au pouvoir qui dispose pourtant d'autres interlocuteurs possibles pour se donner le temps d'ajuster son discours, surtout un sujet aussi grave. En s'avançant ainsi à découvert, François Hollande oscille entre deux risques : soit il se désavoue, ce qui ridiculise son intervention précédente, soit il persiste dans l'erreur pour ne pas perdre la face, mais en se mettant à dos l'opinion. Pire, il n'a même plus totalement la main sur la question.
Il est bien possible que la chambre des représentants refuse toute intervention en Syrie, d'autant plus que le temps fait apparaître le vide absolu de réflexion stratégique à ce sujet, comme le soulignait Arnaud Danjean sur France 24. Mais d'ors et déjà, François Hollande y a encore perdu en crédibilité.
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