Crée le 17-10-2012 02h10 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN |ACTUALITE NATIONALE, AFRICAINE ET INTERNATIONALE. Mis à jour le mecredi 17-10-2012 -13H00 PAR : ARTV-NEWS
De notre envoyée spéciale à Kinshasa
Sur la route de l'aéroport au Palais du peuple, l'asphalte est parfois flambant neuf entre deux panneaux célébrant la gloire de Joseph Kabila. Aux abords du XIVe Sommet de la francophonie réuni vendredi et samedi à Kinshasa, des poubelles et l'éclairage public ont été installés, des petits commerces rasés. À l'entrée du Palais, les partisans du président
distribuent un fascicule papier glacé et un CD-Rom, dans lesquels sont présentées les « avancées démocratiques en République démocratique du Congo ».
Dans la salle, chaque apparition de Joseph Kabila qui parle d'un pays « hospitalier et prospère », « d'un État de droit, respectueux des principes de démocratie », est saluée par des hourras parfaitement maîtrisés. Dehors, en armes et en uniformes, les forces de l'ordre du régime quadrillent Kinshasa. Les opposants sont tenus à distance, plusieurs d'entre eux ont été interpellés, d'autres brutalisés. La police invoque le trouble à l'ordre public. Une police que la France forme.
Car, depuis 2003, à la fin de la deuxième guerre du Congo, la France a conclu une coopération policière avec la RDC. « La coopération française s'est fortement engagée dans le soutien à la police nationale congolaise », écrit l'ambassade à Kinshasa sur son site internet. Une école de formation d'officiers de police judiciaire a été créée, ainsi qu'un laboratoire de police technique et scientifique. « Par ailleurs, la France s'est très fortement impliquée dans la remise à niveau de la Légion nationale d'intervention (ex-PIR) à travers la formation de deux bataillons de 500 hommes chacun, et l'équipement en matériel de protection, en armement non létal et en véhicules, en prévision des élections nationales », poursuit l'ambassade dans sa présentation datant de novembre 2011.
Les « élections nationales » ? En novembre 2011, les Congolais ont en effet voté pour la présidentielle et les législatives : un scrutin dont les résultats « ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées lors du processus électoral », selon un rapport de l'Union européenne, publié quelques mois plus tard. La proclamation de la réélection de Joseph Kabila avait suscité la colère de l'opposition et 33 personnes avaient été tuées par les forces de l'ordre dans les rues de Kinshasa. La police est aussi directement mise en cause dans l'assassinat en 2010 du célèbre défenseur des droits de l'homme, Floribert Chebeya, et de son chauffeur : le procès en appel a été opportunément repoussé à fin octobre alors que de nombreux témoignages pointent la responsabilité directe de l'ancien chef de la police, proche de Kabila.
« On met l'accent sur la gestion de la foule »
La coopération policière entre la France, l'Union européenne et la RDC n'a pourtant jamais été remise en cause. « La réforme du secteur de sécurité (qui concerne l'armée et la police) est jugée prioritaire », explique François-Xavier Delestre, un des experts français en charge du programme européen pour la réforme de la police en RDC (Eupol). Et pour cause : désorganisée, la police congolaise est très récente (elle date début des années 2000), mal ou pas du tout formée, composée d'anciens militaires et d'ex-membres de divers groupes armés.
« Ici, il n'y avait pas ici de police telle que nous l'entendons en Europe, c'est-à-dire formée, unique, structurée: c'est une jeune institution composée d'une force hétéroclite de 100.000 personnes (policiers, gendarmes, militaires) qui parfois pour certains ne maîtrisent pas le concept même de police et leur responsabilité envers la population », avance l'expert. L'UE et la France, via des programmes complémentaires, veulent à la fois préparer une nouvelle génération de policiers, en les formant et en travaillant aux projets de loi encadrant leur travail, et, dans l'immédiat, « renforcer leurs capacités ».
« La réussite, c'est pour les opérations de maintien de l'ordre. On met l'accent sur la gestion de la foule et les équipements non-létaux – bâtons, boucliers, lacrymos, etc. », détaille François-Xavier Delestre. Un « savoir-faire » que la France exporte dans de nombreux pays du monde mais qui suscite parfois la polémique. Ce fut notamment le cas en 2011, trois jours avant la chute de Ben Ali, quand Michèle Alliot-Marie, alors ministre des affaires étrangères, avait proposé le « savoir-faire français » au régime tunisien.
Plusieurs ONG se sont d'ailleurs émues de la coopération menée par la France. C'est le cas de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) qui dénonce la participation de la LENI, formée par la France, aux violences mortelles de novembre 2011, attestée par un rapport des Nations unies. « La coopération policière doit être plus stricte sur le choix des personnes formées », estime le responsable Afrique de l'Acat, Clément Boursin. D'autant que plusieurs bataillons de l'ancêtre de la LENI, la PIR (police d'intervention rapide), formés par la France, se sont déjà illustrés dans de graves violations des droits de l'homme en 2008, rappelle l'ONG.
À Kinshasa, les diplomates savent le sujet sensible, tous n'étaient pas convaincus du projet. Mais même les plus réticents se félicitent aujourd'hui des résultats. L'un d'eux raconte qu'Étienne Tshisekedi, l'opposant le plus en vue à Kabila, a demandé à être accompagné par des policiers d'un corps formé par la France pour se rendre, en toute sécurité, à l'entretien organisé samedi avec François Hollande.
Hollande condamne des « réalités inacceptables »
« On peut voir un changement depuis plusieurs années. Aujourd'hui, des habitants de Kinshasa appellent la police ; des policiers osent arrêter des militaires… Tout n'est pas parfait, loin de là. Mais si on n'avait pas été là, cela aurait été pire », affirme aussi François-Xavier Delestre pour la mission Eupol. Avant d'ajouter : « Nous travaillons pour appuyer la démocratie ; on n'est pas là pour défendre un régime autoritaire. » « La France insiste pour que la réforme de la police, de la justice et de l'armée avance. Parce que si elles ne sont pas mieux structurées, et mieux formées, on n'avancera pas », explique aussi un conseiller de François Hollande.
Et pas question pour lui d'y voir une compromission avec le régime de Joseph Kabila. Le président français a d'ailleurs confirmé depuis Kinshasa les propos très durs qu'il avait tenus depuis Paris à l'encontre de l'autocrate. Leur entretien en privé a été « franc et direct », selon un conseiller français. Ce qui, en langage diplomatique, veut dire glacial. En public, leur poignée de main a été tout aussi froide et, devant les chefs d'État et de gouvernement de la francophonie, Hollande n'a pas eu un mot de remerciement pour l'hôte du Sommet.
À Kinshasa, il a en revanche rendu un hommage appuyé à Floribert Chebeya en dévoilant samedi une plaque à son nom à la médiathèque de l'Institut français, en présence des proches du militant assassiné. « Il faut que la justice passe, la France ne relâchera pas la pression pour que les assassins soient punis », explique un conseiller diplomatique français. Hollande a aussi rencontré des ONG et plusieurs partis d'opposition à la Résidence de France, avant un entretien privé avec l'ennemi juré de Kabila, Étienne Tshisekedi. Il a redit qu'il y avait des « réalités inacceptables » en RDC.
« Je suis venu aussi pour parler clair. Je ne change pas de discours selon les lieux ou selon les interlocuteurs, a expliqué en conférence de presse le président français. J'ai dit à Kabila ce qui me paraissait progresser. Nous avons fait un certain nombre de demandes auprès des autorités (notamment à propos de la commission électorale et du procès Chebeya - ndlr). Nous continuerons à faire preuve de vigilance et d'exigence. »
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