EN CAUSE:
Le Général John NUMBI BANZA TAMBO, né à Lisaki le 16 août 1962, domicilié à 1448 Lubumbashi, République démocratique du Congo, avenue Nianza, Quartier Industriel;
Demandeur,
Comparaissant par son conseil maître Emmanuel DE WAGTER, avocat dont le cabinet est établi à 1180 Bruxelles, avenue Brugmann, 404
CONTRE
1. MICHEL Thierry, réalisateur de documentaires, né le 13 octobre 1952, domicilié à 4020 Liège, avenue Albert Mahiels, 13/0062;
défendeur,
comparaissant assisté de son conseil maître Bernard MOUFFE, avocat dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, rue Gachard, 88/8 ;
2. La sprl LES FILMS DE LA PASSERDLLE, BCE 0449,370,019, dont le siège social est établi à 4031 Liège (Angleur), rue de Renory, 62 ;
défenderesse, comparaissant par son conseil maître Bernard MOUFFE, avocat et par madame, Christine PIREAUX en sa qualité de gérante de l'asbl;
EN PRESENCE DE
1. CHEBEYA Annie, veuve de Floribert CHEBEVA, tant en son nom propre qu'en sa qualité de représentant légale de ses enfants mineurs ;
Ayant fait élection de domicile au cabinet de son conseil maître Dominique ANDRIEN, avocat à 4020 Liège quai Godefroid Kurth, 12;
2. IKOKO NTOMO Marle, veuve de Edadi BAZANA, tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs,
Ayant fait élection de domicile au cabinet de son conseil maître Dominique ANDRIEN, avocat à 4020 Liège, quai Godefroid Kurth, 12
Intervenants volontaires,
3. L'asbl APRODEC, dont le siège est établi à 1070 Bruxelles (Anderlecht), rue des Vétérinaires,89/3 ;
Intervenante volontaire, comparaissant par son conseil maître Dominique ANDRIEN et par monsieur KALOMBO, président et administrateur délégué de l'asbl;
4. La SCAM société civile des auteurs multimédia, société civile à capital variable de français, RCS Paris D 323 077 4g,dont le siège social est établi à 75008 Paris (France), avenue Velasquez, 5 et la délégation belge à 1050 Bruxelles , rue du Prince Royal, 82, dûment représentée par Monsieur Hervé RONY, Délégué général, monsieur Alois NANDI, Président du comité belge et monsieur Frédéric YOUNG, Délégué général pour la Belgique; Intervenante volontaire, comparaissant par son conseil maître Bernard MOUFFE, avocat dont le cabinet est établi à 1050 Bruxelles, rue Gachard, 88/8 ;
5. La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH) dont le siège est établi à 5011 Paris (France), passage de la Main d'Or, 17 ;
6. L'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dont le siège est établi à 1211 Genève (Suisse), rue du Vieux Billard, 5 ;
Intervenantes volontaires,
Comparaissant par leur conseil maître Marc NEVE, avocat dont le cabinet est établi à Liège, rue de Joie, 56 ;
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Vu la citation signifiée le 20 septembrc2ol2, les requêtes en intervention volontaire déposées à l'audience du 25 septembre 2012 et au greffe le 1er octobre 2012, l'ordonnance de mise en état de la procédure rendue le 25 septembre 2012, les conclusions du Général John NUMBI BANZA TAMBO, demandeur, déposées au greffe le 2 octobre 2012, les conclusions de Madame Marie José IKOKO NTOMO et les enfants, de Madame Annie MANOBENGA et ses enfants de l'ASBL APRODEC. intervenants volontaires, déposées au greffe le 1er octobre2012, et les conclusions de Monsieur Thierry MICIL et de la SPRL LES FILMS DE LA PASSERLLE défendeurs, déposées au greffe le 1er octobre 2012 et la requête en intervention volontaire déposée à l'audience du 3 octobre2012.
Entendu les parties comparaissant comme dit ci-dessus à l'audience du 3 octobre 2012.
La loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire a été respectée
Monsieur John NUMBI a été inspecteur général de la police nationale congolaise. Il est sensiblement suspendu de ses fonctions en raison d'un procès intenté contre des membres de la police nationale congolaise pour les assassinats de Monsieur CHEBEYA, directeur d'une ONG dont l'objet est la défense des droits humains et de son chauffeur, Mônsieur Bazana.
Ce procès fait l'objet d'un appel, actuellement pendant devant la Haute cour Militaire de RDC.
Monsieur MICHEL a réalisé un film documentaire sur ledit procès. Ce film a notamment été produit par la SPRL LES FILMS DE LA PASSERELLE.
L'affiche du film, intitulé « L'affaire CHEBEYA, un crime d'Etat ? », reproduit une photo de Monsieur NUMBI juste au-dessus du titre du film. La photo des policiers et subordonnés de Monsieur NUMBI, qui sont seuls poursuivis en qualité d'auteurs des assassinats, est reproduite sous le titre du film La photo de Monsieur CHEBEYA apparaît en arrière-plan de celle de Monsieur NUMBI.
Selon ce dernier, ce montage tendant à le présenter comme le commanditaire des assassinats porte gravement atteinte à son honneur et à sa dignité,
Il Nous demande de faire cesser ce qu'il considère comme une utilisation abusive de son image, exercée sans son consentement et à des fins commerciales, quelle que soit la forme dé cette utilisation, et d'ordonner la publication de la décision.
Les intervenants volontaires se disent intéressés à divers titres au maintien de l'affiche telle qu'elle est, soit parce qu'ils appartiennent à la famille des victimes, soit parce qu'ils ont participé à la promotion du film litigieux, soit, en ce qui concerne la SCAM, parce qu'elle représente les auteurs multimédia.
L'urgence est invoquée en citation, ce qui suffit à justifier la compétence du juge des référés. . .
Le demandeur soutient que la requête en intervention volontaire des parties 1KO- KO NTOMO, MANGBENGA et leurs enfants, ASBL APRODEC, est nulle dès lors qu'elle ne contient aucun moyen ou conclusion, en violation de l'article 813 du code judiciaire, et qu'elle n'identifie pas l'ASBL APRODEC.
L'article 861 du code judiciaire stipule que le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de la partie qui invoque l'exception,
L'absence d'invocation des moyens ou des conclusions du requérant ne figure pas parmi les exceptions énoncées à l'article 862 du code jud4ciaire. Il en est de môme de i'identification insuffisante d'une personne morale.
La nullité invoquée par le demandeur à l'encontre de l'intervention volontaire ne peut donc être prononcée que si le demandeur établit que, telle qu'elle est formulée, elle a nuit à ses intérêts.
Monsieur NUMBI ne fait état d'aucun préjudice résultant pour lui des omissions et irrégularités qu'il dénonce, de telle sorte que Nous ne pouvons prononcer la nullité de la requête en intervention volontaire.
Le demandeur soutient que la requête dont il vient d'être question sous le numéro 4, est irrecevable à défaut d'intérêt né et actuel des requérants.
Il est incontestable que les requérants ont intérêt à ce que la personne du demandeur soit associée aux assassinats dont il est question dans le film litigieux, dès lors qu'ils pensent lue le demandeur en est le commanditaire et qu'ils souhaitent qu'il soit, à ce titre, poursuivi et condamné.
Cette intervention volontaire entre dans le cadre de ce qu'il pense être leur lutte pour la vérité,
A de titre, elle est recevable,
Monsieur NUMBI demande que Nous nous réservions à statuer sur les deux autres interventions volontaires, intervenues plus tardivement, et dont il souhaite examiner plus attentivement la recevabilité.
Il peut être fait droit à cette demande, dans la mesure où, conformément à l'article 814 du code judiciaire, l'intervention volontaire ne peut retarder le jugement de la cause principale.
La SPRL LES FILMS DE LA PASSERELLE plaide l'irrecevabilité de la demande à son encontre conformément à l'article 25, alinéa 2, de la Constitution qui limite la responsabilité en matière de presse à l'auteur.
Cette exception d'irrecevabilité ne peut être retenue dans la mesure où le demandeur n'invoque pas un délit de presse, mais plaide, à tort ou à raison (cela sera examiné ci-après) une exploitation commerciale de son image.
Les défendeurs et les intervenants volontaires dont la requête est examinée soutiennent que la demande n'est pas fondée à défaut d'urgence puisque l'association de l'image du demandeur et du film litigieux existe depuis le mois de novembre2011, époque où le film a été projeté lors du festival des libertés et a été promu par INTERNET sur le site dudit festival,
La jurisprudence citée par le demandeur à l'encontre de cet argument ne peut être retenue.
Le juge des référés de Bruxelles a accepté d'intervenir malgré l'absence de réaction à. un article paru ponctuellement et alors que le demandeur avait immédiatement réagi dès qu'il avait eu connaissance de la diffusion de l'article sur un forum de discussion.
En l'espèce, le demandeur n'a pas réagi à l'encontre d'une affiche publiée depuis presque un an à l'occasion de multiples projections du film litigieux et sous différentes formes, y compris en présence des autorités de son pays, souvent avec des débats sur l'impunité et sur l'implication éventuelle du demandeur.
L'affaire elle-même et le film de Thierry MICHEL ont été l'occasion de débats dans le pays d'origine du demandeur, et de publications de l'image du demandeur,
Il est donc douteux que le demandeur n'ait eu aucune connaissance de ces multiples utilisations de l'affiche litigieuse.
Si le demandeur conserve incontestablement la possibilité de faire valoir son droit à l'image au fond, son propre comportement démontre le défaut d'urgence de sa demande.
La demande est donc non fondée à défaut d'urgence.
En toutes hypothèses, il y a lieu de constater que le demandeur est, contrairement à ce qu'il affirme une personnalité publique importante dans son pays que ce soit par ses fonctions ou parce que, selon ses propret dires, il a 4é un artisan de paix entre son pays et un autre, gravement mis en cause par des parties civiles constituées dans le cadre d'un procès pour assassinats, entendu publiquement, fût-ce en qualité de témoin.
Le film litigieux paraît bien constituer une information sut cette affaire d'assassinats et ne vise par a exploiter commercialement l'image du demandeur.
Tel que présentée, c'est-à-dire avec un titre sous la forme d'une interrogation, l'affiche représente un équilibre acceptable entre, d'une part, la mise en cause d'une autorité publique et son impunité et d'autre part, les questions qui subsistent à cet égard.
PAR CES MOTIFS,
Noue, Philippe CLAUDE, Président du tribunal de première instance de Liège, siégeant en référé assisté d'Eliane RJGO, greffier Statuant contradictoirement.
Recevons la demande et i intervention volontaire déposée â l'audience du 25 septembre 2012.
Réservons à statuer sur les interventions volontaires du 1er octobre 2012 et 3 octobre 2012.
Disons pour le surplus l'action principale non fondée.
Condamnons le demandeur aux dépens, liquide à la somme de 1.320 euros en ce qui concerne les parties MICHEL et FILMS DE LA FASSERELLE, non liquidés pour les autres parties.
La cause est renversée au rôle
Prononcé en français, à l'audience publique des référés à Liège, le TROIS OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE.
Eliane RIGO
Philippe CLAUDE
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