Mais il entend aussi se tailler son propre costume de chef de notre diplomatie. Sur ce plan-là, la situation actuelle, où les passions sont portées à incandescence et où le malheur et la guerre, une fois encore, règnent sur l'est du Congo, pourrait lui donner l'occasion de laisser une marque.
Il n'est pas trop tard, mais il est temps : car la Belgique, qui se considère toujours comme un interlocuteur influent dans la région, est en passe de se laisser distancer. D'autres Etats, avec prudence et une bonne dose d'hypocrisie (que représentent, à l'échelle des Etats-Unis, 200.000 dollars d'aide militaire suspendue ?), ont déjà signifié qu'ils prenaient au sérieux le rapport de l'ONU accusant le Rwanda de soutenir les mutins du M23 et de vouloir à nouveau déstabiliser le Kivu. Après les Américains, les Britanniques, les Suédois, les Néerlandais, qui ont suspendu leur aide, de manière très symbolique, les Belges sont attendus au tournant.
Pas nécessairement pour qu'ils réduisent une aide qui bénéficie avant tout à des populations vulnérables et conforte de réelles avancées sociales, mais pour qu'ils se prononcent clairement.
Au-delà du passé colonial lui-même, la Belgique est plus concernée que ses officiels ne veulent le reconnaître : les bataillons militaires qui furent humiliés et pris à revers après des succès initiaux n'avaient-ils pas été formés par nos instructeurs ? Le Kivu n'est-il pas la première destination de nos ONG humanitaires et de développement, l'une des premières régions d'origine de la diaspora d'Afrique centrale tandis qu'à ce réseau de la solidarité s'ajoute le maillage des intérêts économiques et des innombrables contacts personnels ?
Au Rwanda aussi, la Belgique demeure un interlocuteur important. Controversé, boudé, certes, mais indispensable et lourd, ici aussi, du poids de l'Histoire et des liens individuels. Tout cela justifie la prudence du ministre, explique son souci de prendre lui-même la température du terrain.
Mais, pour paraphraser une formule maintes fois reprise par Reynders lui-même, il y a un temps où le silence, observé dans un souci de solution, devient à son tour une partie du problème…
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