BAMAKO (© 2013 AFP) - Le capitaine Amadou Sanogo et les co-auteurs du putsch de mars 2012 ayant déstabilisé le Mali ont tout à craindre d'une victoire à la présidentielle de Soumaïla Cissé, qu'ils avaient arrêté, et devraient lui préférer son rival Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), selon des analystes.
© AFP/Archives Issouf Sanogo. Le leader du putsch Amadou Sanogo parle à ses supporters le 29 mars 2012 à l'aéroport de Bamako
Soumaïla Cissé, qui affrontera dimanche au second tour de la présidentielle Ibrahim Boubacar Keïta, a été un des plus farouches opposants au coup d'Etat militaire du 22 mars 2012 ayant renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT), appelant les Maliens "à se tenir debout" face aux putschistes.
Economiste chevronné de 63 ans, ancien ministre des Finances, il a participé à la création d'une large coalition anti-putsch, le Front pour la défense de la démocratie et la République (FDR), et a été brutalement arrêté parmi d'autres par les hommes armés du capitaine Sanogo dont il réclame aujourd'hui qu'il soit mis à l'écart de la scène politique.
Selon Gilles Yabi, analyste à International Crisis Group (ICG), Ibrahim Boubacar Keïta, cacique de la vie politique malienne de 68 ans, "est sans doute celui qui peut apparaître comme capable d'offrir certaines garanties au capitaine Sanogo et à l'ancienne junte".
"Contrairement à Soumaïla Cissé, Modibo Sidibé (ex-Premier ministre qui a aussi été arrêté par la junte en 2012 et a appelé à voter Cissé au second tour, ndlr) et à d'autres, IBK était celui qui avait pris ses distances avec le régime ATT depuis quelques années, et le putsch ne l'a donc pas menacé", ajoute-t-il.
"Sanogo pense certainement que ceux des candidats qui ont été personnellement agressés et maltraités aux premières heures du coup ne sont pas près d'oublier cet épisode et pourraient être tentés de prendre leur revanche s'ils arrivaient au pouvoir", note Gilles Yabi, poursuivant: "Les meneurs de la junte ont beaucoup à craindre d'éventuelles poursuites judiciaires et sont, sans doute, d'abord soucieux de leur protection, donc de leur impunité, au lendemain des élections".
Ibrahim Boubacar Keïta avait rejoint le FDR mais l'avait rapidement quitté, restant très discret sur un putsch qu'il a "condamné par principe", selon Souleymane Drabo, directeur de publication de L'Essor, un des plus grands quotidiens maliens, mais dont il pensait qu'il "n'était pas totalement injustifié" et avait "des côtés positifs".
"Sanogo n'est pas un épouvantail"
Bien qu'issu du sérail, IBK, ancien Premier ministre dans les années 1990 et ex-président de l'Assemblée nationale pendant le premier mandat d'Amadou Toumani Touré de 2002 à 2007, a récemment déclaré à des journalistes à Paris que "l'Etat malien est devenu une source d'enrichissement pour une élite, sans souci d'efficacité de l'action publique, sur le dos des populations".
Un discours ne pouvant que plaire au capitaine Sanogo qui avait justifié son coup d'Etat par l'incapacité d'un Etat corrompu à lutter contre la montée des périls en tous genres dans le nord du Mali, groupes jihadistes et criminels, rébellion touareg.
D'ailleurs, IBK dit ne pas craindre l'influence de Sanogo, promu en 2012 par le régime malien de transition à la tête d'une structure chargée de réformer une armée alors totalement démoralisée par sa débâcle dans le Nord face aux rebelles touareg et aux groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda qui ont occupé cette région pendant près d'un an avant d'en être chassés par une intervention armée internationale initiée par la France.
"Sanogo n'est pas un épouvantail. Dans mon bateau, il n'y aura pas deux capitaines" après la présidentielle, affirme l'ancien Premier ministre.
Même si les putschistes de mars 2012 "sont inquiets pour l'avenir", ne sachant pas "ce que le nouveau pouvoir va leur réserver, ils ont l'impression qu'avec IBK, ils ont des chances d'être ménagés ou bien d'être recasés", estime Souleymane Drabo.
Selon Gilles Yabi, il ne faut cependant "pas réduire l'analyse des rapports entre IBK et les militaires à une éventuelle préférence de Sanogo pour lui".
Homme à poigne qui n'a pas hésité à réprimer des étudiants et des grévistes pendant qu'il était Premier ministre, IBK "semble bénéficier aussi, par rapport à ses rivaux, de l'estime ou du respect de militaires qui n'étaient pas associés à la junte et qui en ont même été victimes", estime l'analyste d'ICG
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