Sunday, August 26, 2012

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Didier Reynders à Bukavu: La plus jeune fille violée avait 4 ans
Aug 26th 2012, 09:18

Crée le 26-08-2012- 05h00 | AFRIQUE REDACTION | REDACTEUR EN CHEF : ROGER BONGOS | SITE PANAFRICAIN |ACTUALITE NATIONALE, AFRICAINE ET INTERNATIONALE. Mis à jour le dimanche 26-08-2012 - 05h29 PAR : LA LIBRE.BE

 

Christophe Lamfalussy, envoyé spécial à Bukavu

Recevant le ministre belge des Affaires étrangères, le médecin a poussé un coup de gueule sur les délégations ministérielles qui défilent dans son hôpital sans que rien ne change jamais pour les femmes de la région.

A Bukavu, une section de l'hôpital Panzi accueille les femmes victimes des viols collectifs de la guerre. Le Dr Mukwege se bat pour leur redonner un espoir. Prix Roi Baudouin en 2011, le médecin congolais a reçu jeudi Didier Reynders dans son hopital de Bukavu, où près de 40 000 femmes et jeunes filles ont déjà été soignées.

Fatigué de voir les délégations ministérielles défiler dans son établissement sans que rien ne change, désespéré de voir que la situation empire à l'est du Congo, il a parlé, devant le ministre belge, d'injustice et de lâcheté, de courage qui faisait défaut.

"La Libre" l'a interviewé peu après.

Docteur, pourquoi ce coup de gueule?

Cela fait seize ans pratiquement que nous vivons des atrocités dans cette partie du monde. Le commun des mortels, ici, ne comprend pas pourquoi on se bat, pourquoi on se fait tant de misère. Il y a un manque de volonté politique pour arrêter ces atrocités. Nous espérons que cela sera la dernière délégation à défiler ici et que Didier Reynders, comme Belge, pourra changer les choses. Vous, les Belges, vous connaissez bien la région. Vous nous connaissez bien.

Comment terminer ce conflit ?

Il y a un manque de volonté politique du gouvernement congolais et des pays voisins, mais aussi de la communauté internationale. Officiellement, ce n'est pas une guerre entre deux nations. Les frontières sont ouvertes. Les ambassades aussi. Les Présidents se parlent et se tapent sur l'épaule. Ce n'est pas une guerre tribale non plus, car on trouve des Congolais de différentes tribus qui veulent s'identifier à ce mouvement. Ce n'est pas une guerre religieuse.

La réalité c'est que c'est une guerre pour les ressources naturelles du pays. Le Congo est comme une bijouterie sans gardes, dont les portes sont ouvertes. Ce ne sont pas seulement les ressources qui partent. Quand vous parlez aux femmes que nous soignons, cette guerre laisse aussi beaucoup de veuves et d'orphelins. Tous les jours, Radio Okapi, la radio des Nations unies, raconte la même chose: on a tué, on a violé. Depuis seize ans, on aurait pu agir autrement pour faire cesser ces atrocités.

A-t-on commis des erreurs ?

La Monusco est déployée ici avec un budget d'1,4 milliard de dollars... Je ne comprends pas comment on peut expliquer au contribuable européen ou américain que l'argent qui sort de sa poche, on le donne d'un côté à ceux qui font la guerre et au pays qui essaie d'avoir les ressources naturelles du Congo, et de l'autre, à ceux qui doivent empêcher cette guerre. C'est une grosse erreur. Ce 1,4 milliard serait si utile pour développer la région et faire en sorte que les deux pays vivent ensemble !

Que voyez-vous dans votre hôpital, au quotidien?

L'année passée, moins de femmes venaient dans notre hôpital. Les viols survenaient surtout dans la société civile avec les militaires démobilisés qui n'avaient pas un suivi psychologique. Depuis quatre mois, nous avons des victimes qui viennent de zones de conflit. C'est très inquiétant. Nous recevons aujourd'hui 6 à 8 femmes violées par jour.

Quel est l'âge de la plus jeune que vous avez soignée?

Treize ans pour celles qui sont soignées en ce moment. Mais, il y a trois mois, j'ai soigné une fille de quatre ans, qui était complètement détruite. Pendant que je la soignais, sa mère était dehors à genoux en train de pleurer. Quand elle a vu que sa fille pouvait, pour la première fois depuis le viol, uriner et faire ses selles, cette maman m'a sauté au cou. Cette fillette avait la vessie et le rectum détruits.

Qui commet ces actes?

Les femmes nous le disent : tous les groupes armés. Aujourd'hui, on ne sait plus qui est qui. Ce qui est sûr, c'est que chaque groupe essaie de contrôler une zone minière, avec des ressources.

Le viol est-il une arme de purification ethnique comme en Bosnie ?

C'est une stratégie de guerre, de destruction sociale, psychologique des familles. Cela déstructure toute une communauté, qui ne peut plus arriver à vivre dans l'harmonie. Après un viol, les enfants, l'époux sont aussi malades. Le mari ne se reconnaît plus comme mari car il n'a pas été en mesure de protéger son épouse. Les enfants ne reconnaissent plus leur papa car ils ont été violés devant leur père et il n'a rien pu faire. L'épouse est souvent rejetée de la communauté comme si elle était impure après ce qui lui est arrivé.

Déstructurer ou faire partir les gens ?

Les femmes disent : aidez-nous à regagner nos champs. Mais elles n'y sont pas autorisées par leur village car, dans leurs champs, elles s'exposent plus aux viols. Le sentiment des femmes, c'est que ces viols ont pour but de les faire partir de leurs villages. L'une d'elles nous a expliqué qu'on l'avait obligée à assister à une scène de barbarie où on introduisait des morceaux de bois dans l'appareil génital de sa petite sœur. Tout le village l'a vu. Cette femme nous a dit que les gens taillent le bois avant de l'introduire dans l'appareil génital. De plus, on a un grand problème avec tous ces enfants qui naissent des viols. Ils ne sont pas reconnus par la communauté.

On peut les renvoyer au Rwanda ?

Non! Ce sont des innocents malheureux. Cela montre qu'il y a une épuration. Adultes, toute la question de leur identité va se poser.

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